Pourquoi, en France, appelle-t-on « déjeuner » ce que nous Belges appelons « diner » ? Et « diner » ce que nous appelons « souper » ? Comment expliquer qu'un même mot, dans la même langue – du moins, je me plais à le croire –, ne désigne pas la même réalité ? Lequel des deux termes est le bon ou le meilleur ?... En fait, tout dépend de la nationalité de la personne à qui l'on pose la question !
Et pourtant dans l'hexagone on dinait à midi mais un glissement de temps a provoqué un déplacement d'expression. Si le déjeuner comme le diner sont tous deux dérivés du latin « disjunare » qui signifie « rompre le jeune », le déjeuner est à l'origine le premier repas de la journée, celui qui se prend au lever.
Sauf sous François I, où la cour assiste à la messe de 8 heures avant de prendre le premier repas du jour vers 10 heures. Suivent le dîner entre 14 et 17 heures et le souper vers 21 heures. Louis XIV ne déjeunait que d'une tasse de bouillon ou d'une tisane de sauge. Il se rattrapait au dîner vers 14 heures. Son successeur Louis XV prenait au lever des fruits, du pâté et du lait de vache. Quant à Louis XVI, il avait pris l'habitude de déjeuner deux fois, un premier déjeuner au saut du lit et un deuxième après la messe quotidienne. De ce fait, l'heure du dîner s'en trouvait retardé vers 15 voir 16 heures.
Le décalage se fit encore plus sentir dans la France du XIX siècle avec l'habitude de l'aristocratie de prendre un « petit déjeuner » au saut du lit. Ce qui repoussait la deuxième collation le « déjeuner » à midi, le « dîner » au soir et le « souper » pendant la nuit après le spectacle. Et voilà pourquoi l'heure du diner a été progressivement retardée.
Mais ce n'est pas le cas dans tous les pays. Ainsi en Belgique, au Canada ou en Suisse, on est resté aux expressions d'origine.

Pierre De Vuyst Journaliste - Source: Soir Mag